22 août 2012
Comment organiser un festival de courts métrages ?
Mais je me suis dit que ce serait quand même intéressant d'en faire un nouveau, plus constructif, où je pourrais éructer toutes mes recommandations issues de mes innombrables visites dans des festivals, petits et grands, amateurs ou pro. Cette envie a été décuplée après ma visite au Concours de courts-métrages de Clichy-la-Garenne, dont l’amateurisme de l’organisation m’a particulièrement irrité.
INSCRIPTION
La plupart de mes griefs concernent les procédures d’inscription, par trop lourdes et archaïques.
La première recommandation serait de passer à une inscription purement dématérialisée : un formulaire sur internet à remplir, très simple, et une case à cocher pour « Signer » le règlement. Et ensuite un film à uploader sur un serveur, ou un lien Vimeo protégé à fournir. Basta.
Au lieu de ça, les festivals, petits et grands, nous obligent à fournir une quantité d’infos longue comme le bras : dates de naissance, format de tournage, nom et prénom de l’ingé son ou autre…
Contentez-vous de la base, de l’indispensable. C’est mieux pour vous, et mieux pour nous. Avez-vous réellement besoin du numéro de fax du réalisateur ?
Demandez-nous juste le synopsis du film, sa durée, et le contact du réalisateur et du producteur.
De plus, ces formulaires d’inscription sont très souvent des PDF non modifiables, à imprimer, et à remplir à la main, avec de toutes petites lignes où on a à peine la place d’écrire. C’est ridicule. Au moins proposez nous des PDF modifiables, ou des fiches d’inscription sous Word. Ce serait plus facile pour nous… et plus lisible pour vous.
Et, par pitié, laissez la place pour inscrire deux réalisateurs et pas qu’un seul.
Par ailleurs, arrêtez de nous demander d’envoyer des infos inutiles qui ne serviront au catalogue si et seulement si on est sélectionnés : flyers, photos, affiches, fiche technique complète… Les réalisateurs seront ravis de vous fournir ces infos en cas de sélection, mais s’il vous plaît, n’alourdissez pas inutilement les procédures d’inscription.
En ce qui concerne les frais d’inscription, ils sont dans la limite du possible à éviter. S’il y en a, il faut offrir en échange une vraie contrepartie pour les réalisateurs sélectionnés (logement et/ou transport offert, repas gratuits, etc.). Il existe une formule trop peu répandue : l’inscription est gratuite, mais il y a une somme symbolique à payer en cas de sélection. J’étais tombé sur un petit festival qui demandait 15€ de frais d’inscription. Voulant à tout prix montrer mon film, je les ai déboursés ; la compétition a été annulée : ils n’avaient reçu que trois films !
Et pour ce qui est du format demandé, si l’upload d’un fichier ou l’envoi d’un lien n’est pas techniquement possible, s’il vous plaît, arrêtez d’exiger des K7 Mini-DV ou autres formats du passé… (je m’adresse à vous, oui à vous, les festivals de la FFCV)
INFORMATION SUR LA SELECTION
Combien de festivals ne préviennent jamais en cas de non-sélection ? Des fois, on se retrouve à une semaine de l’évènement à devoir téléphoner pour connaître le choix des augustes sélectionneurs. N’ayant pas reçu d’infos, on se doute de la réponse (négative), mais des fois l’organisation est tellement aux fraises qu’on est en fait sélectionné sans avoir été prévenu.
Des plateformes telles que Le-Court.com permettent d’éviter de répondre à tout le monde individuellement. Mais même sur de tels sites, il arrive qu’on ne soit pas tenu au courant (comme pour le festival de Grenoble, par exemple). Honte.
Bref: soyez gentils et ayez la politesse de nous prévenir (tôt).
DIFFUSION
Si on a la chance d’être sélectionné et qu’on peut participer au festival, voici ce qu’on aimerait y voir :
Une diffusion en DCP. C’est simple, c’est efficace, c’est excellent. Sinon, n’importe quelle projo à partir d’un master HD des films, via un ordinateur par exemple. Mais s’il vous plaît, sus au DVD.
Si vous mettez en place une sorte d’habillage visuel avant chaque projection, s’il vous plaît, ne mettez pas le titre du film. C’est une remarque un peu anale, peut-être, mais quelques films tirent profit de la manière dont ils font apparaître leur titre (à la toute fin du film, ou de manière choc pendant le métrage). Or le fait de le projeter sur l’écran avant-même que le film commence peut nuire à son impact.
Sur le plan du programme, par contre, merci de publier les durées des films.
Et en ce qui concerne l’ordre de diffusion, commencez toujours par le film le plus long ou le plus dur à regarder, puis alternez les durées et les genres (un court, un long, un drôle, un sérieux) en essayant de finir sur un film choc/drôle/troublant. Et évitez les programmes qui excèdent 1h30.
Rallumez les lumières quelques secondes entre chaque film. Le jury peut ainsi prendre des notes, et le public faire une coupure mentale entre les courts. Tous les festivals pro le font ; les amateurs, rarement.
Et surtout, surtout… faites apparaître les équipes des films sur scène et faites les parler. C’est hyper important. Dans combien de festivals me suis-je déplacé où les réalisateurs n’étaient pas présentés au public ? Du coup, personne ne sait qui a réalisé quoi, et les échanges sont impossibles.
Amis organisateurs, sachez qu’on ne vient pas dans vos festivals juste pour revoir une 1000e fois nos propres films, ou pour vous faire plaisir : on y va pour RENCONTRER DES GENS. On y va pour RENCONTRER LE PUBLIC. Et RENCONTRER D’AUTRES REALISATEURS. Merci de nous aider.
Et si on monte sur scène, s’il vous plaît, faites appel à un animateur compétent. Arrêtez les séances de questions-réponses nazes à base de « Si vous avez une question dans le public, n’hésitez pas »… et là… silence de mort. Il faut que vous offriez au public l’occasion de poser des questions, mais en attendant qu’ils se chauffent, POSEZ-NOUS des questions. Faites nous parler. Et le reste arrivera naturellement…
PRIX DU PUBLIC
Le prix du public est souvent une mascarade qui privilégie :
- Le film qui a le plus fait rire le public
- Le film qui a ramené le plus de membres de l’équipe dans la salle.
Il faut donc en finir avec les votes simples, tels que « Ecrivez sur le bulletin le titre de votre film préféré ». Déjà, ce processus favorise les films vus lors des séances les plus peuplées, mais il empêche aussi toute nuance dans le choix.
La seule solution – qui demande un peu plus de temps, je vous l’accorde : chaque spectateur donne une note à chaque film qu’il voit. Une moyenne est ainsi faite, où on enlève les extrêmes (pour éviter que l’équipe d’un film se surnote pour faire monter sa moyenne) et/ou on pondère les moyennes pour éviter de trop grandes disparités entre les films beaucoup vus et les films peu vus. C’est le seul moyen efficace et juste.
Et pendant que le jury délibère, par pitié, coupez court aux temps morts : organisez une projection hors-compétition, ou offrez nous un pot (car oui, les pots c’est super important aussi… C’est souvent de là que viennent nos meilleurs souvenirs de « festoches »).
ANNONCE DU PALMARES
C'était un running gag sur le Forum des Vidéastes Amateurs. Combien de festivals qui ne communiquent pas sur leur palmarès ?
Et combien de dimanche soirs ai-je passé à attendre en vain un petit coup de fil, ou un mail, pour connaître le sort réservé à un de mes courts diffusé la veille à l'autre bout de la France ?
Bien évidemment, le lundi matin, toujours rien. Ni par mail, ni sur le site. Et bien sûr personne ne réponds jamais au téléphone.
Tout ça pour dire: soyez cools et annoncez votre palmarès le plus rapidement possible et par tous les biais. Site internet, Facebook, mail, coup de fil.
Je sais que le festival est sur le point de se terminer et qu'il faut ranger les chaises et nettoyer la salle, mais ça prend vraiment que deux minutes à faire. Donc faites-le. Et plus vite que ça.
MEA CULPA
Amis organisateurs, passés ou futurs, merci de m’avoir lu jusqu’au bout. Je sais que nous, les réalisateurs, on est pas toujours au point non plus (fiche d’inscription mal remplie, film envoyé dans le mauvais format, réponse tardive aux mails…), mais bon, voilà en toute modestie les quelques conseils que je me permet de vous offrir.
Bon courage !
12 avril 2012
MECS MEUFS - mon prochain court-métrage
Vous avez aimé LOSE ACTUALLY ?
Hé bien vous aimerez MECS MEUFS... mais seulement si on arrive à le financer !
Vous l'aurez deviné, je fais ce message pour relayer la collecte de fonds que j'organise pour ce nouveau court.
On va le tourner au début de l'été, on espère, avec AS&M à la prod, David Hourrègue en assistant, Xavier Dolléans en chef op'... et bien sûr Bob dans le rôle de Bob.
Toutes les infos sur le projet (notamment le scénario) sont disponibles sur la page officielle du film.
Toute aide, même la plus modeste, est la bienvenue ! On compte sur vous... et je vous garantis que vous allez vous marrer devant le résultat final !
22 février 2012
Scénario français contre scénario américain
Je ne porte pas ici de jugement sur le "fond", mais seulement sur la forme… même s’il s’avère que les deux vont souvent de pair (pas toujours, mais souvent – ici, il se trouve que le scénario français s’est avéré assez mauvais, et le script américain plutôt bon).
Ce sont deux scénarios écrits par des professionnels, chacun ayant déjà réalisé des films dans son pays. Deux adaptations de livres, l’un est un scénario d’espionnage, l’autre une comédie romantique, mais globalement ils ont le même équilibre de dialogues et de descriptions (en gros je compare pas le script du SOCIAL NETWORK avec celui du CHEVAL DE TURIN).
PAGE DE GARDE
Je lisais l’autre jour les propos d’une lectrice de scénario américaine : "Quand je vois un script avec une page de garde lourdement ornée et illustrée, je me demande "Pourquoi le scénariste ne fait-il pas suffisamment confiance à son écriture pour vendre son projet ?" Tout ce qui est peu soigné en terme de mise en page me rebute très vite. Quand quelqu’un ne prend pas le temps de se renseigner sur la forme scénaristique, on se demande à quel point ils sont sérieux dans ce qu’ils font".
Voici la page de garde du scénario américain (floutée parce que j’ai pas le droit d’en parler) :
Le titre. Le titre du bouquin qui est adapté. Le nom du scénariste. Le contact.
Et voici le français :
Les mêmes infos que l’américain, mais avec une simili-affiche numérique et un slogan/synopsis.
MISE EN PAGE
Le scénario français fait 104 pages, le scénario américain 117.
Comme vous vous en doutez, l’américain est écrit sur Final Draft, avec une typo Courrier, et respecte globalement le formatage qui conduit, soi-disant, à 1 page = 1 minute.
Le scénario français, lui, semble être écrit sous Word. Il est moins aéré, écrit en Times New Roman, et compresse plus de mot dans chaque partie dialoguée (qui prennent les 2/3 de la largeur de la page). En moyenne, il fait rentrer 319 mots par page, alors que l’américain se contente de 191.
J’ai donc calculé que si on mettait le scénario français en page au format américain (ou devrais-je dire : standard), il ne ferait plus 104 pages mais… 173 !
Le français compte-t-il vraiment mettre en scène une comédie romantique de 2h53 ? Je n’en suis pas sûr. Toujours est-il que la longueur que j’ai ressenti à la lecture se retrouve dans la mise en page. Il a squeezé trop d’infos, trop de descriptions, et trop de dialogues dans trop peu de pages.
En me basant sur les 10 premières pages de chacun des scénarios (qui, coïncidence, voient toutes deux un personnage secondaire mourir de manière abrupte), j’ai tiré les statistiques non scientifiques suivantes.
LA LONGUEUR DES DIALOGUES
Sur les dix premières pages du scénario US, pas une seule réplique ne dépasse les 4 lignes. Et quand je dis 4 lignes, c’est 4 lignes centrées sur Final Draft, donc très courtes, avec beaucoup de marge des deux côtés. En moyenne, les répliques sont longues de 1.93 lignes.
Les répliques françaises font au premier abord 2.18 lignes de long. Mais si on les met en page à l’américaine, elles passent alors à… 4.6 !
Le scénar français est donc 2.3 fois plus bavard que son homologue américain. A la lecture, j’ai justement senti ce côté indigeste dans l’écriture des échanges, souvent trop longs et manquant de punch.
Il est intéressant d’observer que le film d’espionnage américain, dense, complexe, s’en tire avec une écriture beaucoup plus économique que la comédie amoureuse française soi-disant "enlevée".
LA LONGUEUR DES DIDASCALIES
Toujours sur les dix premières pages, le scénario américain comporte 75 indications scéniques, longues en moyenne de 2.09 lignes.
Le scénario français n’en a que 33, longue en moyenne de 3.06 lignes. Mais attention ! Ce sont des lignes en Times New Roman… Si on les passe dans Final Draft, la didascalie moyenne devient alors longue de… 5.11 lignes !
Le scénario français fait donc appel à des indications scéniques presque 2 fois et demi plus denses et longues, sans jamais sauter une ligne.
Quand on sait que John August veille à ne jamais dépasser les 4 lignes dans ses scénarios…
LES PARENTHESES
Certains scénaristes usent et abusent des indications entre parenthèses, souvent là pour donner le ton d’une réplique, ou qui viennent interrompre la réplique avec une didascalie ("Il hoche la tête", "Il se retourne", etc.).
Il faut attendre la 6e page du scénario américain pour trouver la première didascalie intégrée dans le dialogue. On en trouvera 3 autres, pour arriver à un total de 4 sur les 10 premières pages.
Pour ce qui est du script français, la première réplique comporte déjà 3 indications de la sorte. Et on en trouvera 31 sur les10 premières pages.
Cette tendance du scénariste à sur-diriger ses acteurs/personnages est dommageable car elle est souvent inutile (on comprend souvent très bien le ton de la phrase à comment elle est écrite) et rend la lecture plus longue et hachée. Il vaut souvent mieux juste donner le minimum pour clarifier les ambiguïtés, et laisser la lecture vivre.
J’avais lu une fois que, soi-disant, toute l’œuvre de Shakespeare ne comportait aucune indication de la sorte. Je ne sais pas si c’est vrai, mais j’aime le croire.
CONCLUSION
Ces quelques observations visent à montrer que s’il existe une forme scénaristique plus ou moins standard et acceptée en tant que telle dans l’énorme industrie qu’est le cinéma américain, ce n’est pas juste pour faire joli.
Un scénario écrit en Arial ou en Times New Roman ne donne pas le même nombre de pages que son homologue écrit en Courrier. Que le scénario final ne passe pas une page par minute n’est pas très grave. Mais il vaut mieux s’en approcher. Ici, je suis persuadé que le scénariste français croit avoir écrit un film tournable en 1h40. Mais il n’en est rien, et sa mise en page l’a induit en erreur. Bon courage au montage…
Il y a ensuite un soin basique à apporter à la mise en page pour la rendre claire. Le scénariste américain passe fréquemment à la ligne, guide l’œil du lecteur, nous entraîne là où il veut qu’on aille. Son collègue français fait des pavés de description qui mêlent tout à la fois le décor, les personnages, leur attitude, le son, etc. C’est souvent très difficile à lire.
Je passerais sur les indications extra-diégétiques glissées dans le scénario français, notamment une note subitement adressée au lecteur pour préciser le filmage d’une scène et qui se termine par… un smiley.
Je finirai par dire que s’il ne fait aucun doute que le cinéma est un art, c’est aussi une industrie, et que le but des deux objets littéraires dont je viens de parler est aussi de dire : "Donnez moi quelques millions d’euros SVP". Or imagine-t-on des documents professionnels dans l’industrie, le droit, ou la finance qui n’obéissent pas à un minimum de rigueur et de clarté, surtout quand tant d’argent est en jeu ?
Bien sûr, on est dans l’expression d’un soi artistique. Et je tiens à préciser que pas tous les scénarios français ne sont comme ça (j'ai même constaté une assez belle amélioration depuis les trois ans et demi que je lis). Mais on ne peut pas juste jeter les mots sur le papier n’importe comment. La forme scénaristique aide à préciser la vision, à la clarifier. Ce n’est pas un carcan à la créativité, bien au contraire. Et ne dit-on pas que ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ?
6 février 2012
BAD TOYS II, un court-métrage d'action
Mais le voilà, il est prêt, il est chaud, enfin: BAD TOYS II de Daniel Brunet et Nicolas Douste.
Pour ceux qui connaissent pas la bande, Dan et Nico sont des compares du Sud avec lesquels j'ai eu l'occase de bosser plusieurs fois. Et ils viennent de pondre un petit bijou de dynamisme et de créativité qui devrait bien parler à mon petit lectorat.
Assez parlé. Matez. Et faites tourner !